Sunday, January 17, 2010

Une interview dans la Gazette de MéluZine n°3 (sortie en Février 10)

On m'a proposé de répondre à quelques questions pour la Gazette de MéluZine. Je vous offre ici en exclusivité trois réponses à des questions qui ne seront pas, faute de place, dans les colonnes de la Gazette :D

MéluZine : Pouvez-vous nous parler de l’édition professionnelle ?

Il est impératif de parvenir à se constituer un réseau pour espérer pouvoir y travailler. On peut passer des années à taper à une porte avant qu’on vous ouvre. C’est lassant, mais les éditeurs sont débordés et ont l’embarras du choix : tout le monde veut écrire en France, quant aux traducteurs, il n’y a qu’à se baisser pour ramasser des candidats (après s’ils font l’affaire, c’est autre chose). Le copinage que l'on peut observer dans le fanzinat est là aussi bien présent. Cependant, il ne faut pas s’imaginer que les éditeurs ont des positions en or : on a tendance à idéaliser ce métier. Je connais pas mal de petits éditeurs qui galèrent !


MéluZine : Et du fandom hispanique ?

Le fandom espagnol est plus petit que le français, en un sens, plus dynamique également, tout en étant moins reconnu par le grand public de son pays. J’ai eu l’occasion en 2009 d’aller à la Convention nationale de SF à Huesca et j’en suis revenu avec une impression très positive. Les conférences étaient vraiment intéressantes et les intervenants pointus. Ce qui m’a particulièrement marqué, c’est la jeunesse des auteurs d’horreur qui se sont réunis dans l’association Nocte, laquelle fêtait sa première année d’existence. Ils ont fait une présentation de l’association – en étant à peu près aussi nombreux que l’assistance ! – avec douze ou treize auteurs présents, et on sentait vraiment qu’ils en voulaient, qu’ils essayaient d’avancer en groupe, de se faire connaître comme les représentants d’un genre et qu’ils avaient des projets. Depuis quelques années, on ressent un vide au niveau des revues espagnoles, suite à la disparition de certains titres tels que Solaris ou Gigamesh. Cela aurait pu rendre plus difficile l’émergence d’une nouvelle génération d’auteurs si Internet n’avait pas pris le relais. Il est intéressant de remarquer que les liens avec l’Amérique latine sont plus étroits que ceux de notre pays avec la francophonie.
Pour ce que j’ai pu en voir, les phénomènes de copinage et les petites guéguerres entre membres du fandom sont malheureusement loin d’être une exclusivité franco-française.

MéluZine : Lorsque vous écrivez ou que vous planifiez un récit, recourrez-vous des techniques spéciales ? Des ruses d’auteur ? Des gestes fétiches ?

Eh bien… ça dépend vraiment du feeling. J’essaie le plus souvent d’avoir un plan assez précis (que je garde dans la tête ou transpose à la fin de mon doc Word en gestation) ou d’avoir au moins une direction approximative avec une fin claire. J’apprécie particulièrement de pouvoir ressentir une ambiance propre à l’histoire que je suis en train d’écrire, mais cela ne se commande pas toujours. Quand je « tiens » l’ambiance de l’histoire, et c’est plutôt le cas sur des nouvelles courtes, que je sens les phrases qui viennent toutes seules, alors le texte peut s’écrire très vite.
Concernant les micro-nouvelles, je dois être vigilant, parce qu’elles peuvent me venir à tout instant : je me balade tout le temps avec un carnet. Le surgissement d’idées pour des microfictions se fait quand même souvent par périodes. Et c’est un peu comme collier de perles, on tire sur une idée, et une autre suit derrière, ainsi de suite.
Sur les textes longs, il arrive parfois que j’en vienne à faire ce que j’appelle « forcer l’écriture ». Il faut pour cela avoir un plan béton, bien détaillé et avoir réfléchi à l’univers. Je sais alors ce que je dois écrire pour aller du point A au point B de mon histoire, avec les étapes et tout, et du coup, même si je n’ai pas l’inspiration sur le moment, je me force à écrire le passage en question, ne serait-ce que pour avancer et passer à la suite.
Pour les ruses d’auteur, quand je cherche activement des idées, pour un appel à textes,par exemple, selon que le sujet est plus ou moins « bateau », j’essaie dans un premier temps de faire un inventaire rapide de ce qui a déjà été faits, pour m’en démarquer en tachant de fouiller les origines des mythes et voir les explications ou les distorsions que je pourrais apporter dessus.
Certains auteurs ont effectivement des gestes fétiches, des rituels de mise en condition. Je n’en ressens pas vraiment le besoin. Question d’état d’esprit, je pense… et d’organisation (ou désorganisation, dans mon cas). Je peux écrire dans les transports, dans une salle d’attente, chez moi… Après, c’est vrai qu’on a parfois besoin de se caler confortablement dans une bulle de tranquillité pour être le plus productif possible. Parfois la musique (souvent du métal symphonique, mais pas toujours) m’aide à écrire, parfois au contraire, elle me dessert.

La suite dans la Gazette de MéluZine n°3, donc, où j'évoquerai entre autres des choses dont seuls Xavier Dollo semble encore se rappeler, ou je dirai deux mots sur mon actualité littéraire et d'autres joyeusetés !

Sunday, April 19, 2009

PLAGIAT : SCRUPULES, EMMERDES ET CONSIDERATIONS !


Je me suis retrouvé dans la délicate position (à presque minuit, l'heure du crime, en plus) de découvrir un plagiat, il y a deux trois jours, et de confondre son plagiaire.
J'en dirais peut-être plus, ou pas, sur ce blog ou ailleurs, comme je ne suis pas concerné au premier chef, mais j'avais envie de porter à votre réflexion les mécanismes derrière cet acte qui, selon moi, à lui seul mériterait le rétablissement de la peine de mort !
J'étais donc en train de corriger une des revues à laquelle je participe quand je me rends compte que ce texte m'est étrangement familier. Arrivé à la fin de la première page, ma conviction est faite. J'ai déjà lu ça ailleurs, je sais où et en plus je connais le nom de l'auteur et du texte, pas de problème.
Je prends la traduction du texte américain, je prends le texte "original" paru en français et ça sent effectivement la grosse resucée. Le personnage d'ouverture boit du thé dans un texte, du café dans l'autre, mais sinon c'est la même chose, les noms seuls diffèrent !
J'avoue être tombé sur le cul, sur le coup (oui, les deux). Je contacte direct le traducteur de la nouvelle que je corrigeais donc, puis le rédacteur en chef de la revue spoliée, puis l'autre rédacteur en chef... Et on arrive bien à la même conclusion. Ce qu'il y a de bien avec l'imaginaire en France, c'est que finalement, tout le monde se connaît !
Donc la nouvelle de la spoliation a déjà commencé à circuler en privé et en même temps qu'on se penche sur ça, on se rend compte que le gus n'en ait a priori pas à son premier plagiat, et qu'il a déjà vandalisé au moins un autre texte du même auteur...
Et moi qui aimait beaucoup ce qu'il faisait... oui, bah je comprends maintenant !
On prend un auteur de talent, mais pas connu sous nos lattitudes, on se fait sa petite trad tranquilou, on colle son nom et on envoie ça à gauche à droite... Et ça marche, enfin, ça eût marché !
Je me demande cependant, et c'est le cœur de ce billet, comment on peut avoir le toupet de faire ce genre de truanderies. La même semaine, je taquinais gentiment une amie auteure pour sa paranoïa. Elle cherchait tous les moyens possibles et imaginables pour protéger ses textes. Apparemment, ce que disait ma Céline : "A partir du moment où l'œuvre est créé, elle est automatiquement protégée" ne lui suffisait pas.
Maintenant, en fait, ça ne me rend pas tellement plus paranoïaque que ça, personnellement. Je me dis que si on veut nous plagier, on peut toujours y parvenir, rien ne nous garantit pas, qu'en ce moment même, on ne soit pas en train de récupérer un de mes textes qui traînent, de le retoucher un peu et de l'envoyer à un rédacteur en chef ou un éditeur.
On avait déjà d'ailleurs publié un de mes poèmes sur un forum, sans rappeler que j'étais l'auteur, le pillage avait été signalé par un autre membre du forum, sans que je n'ai trouvé à redire ou intervenir :
http://forum.doctissimo.fr/sante/cannabis/flibuste-sanglante-sujet_148495_3.htm
Au moment de traduire une nouvelle de Emilia Pardo Bazán, dans Borderline n°3, "La resucitada", j'étais tombé sur un site avec un guignol qui avait mis le texte en ligne en disant en gros : regardez le chouette texte que je viens de finir avec mes petits doigts boudinés.
A cela je réponds : une décharge de chevrotine dans les testicules ! C'est tout ce que méritent les plagiaires ! Ou on leur coupe les mains pour qu'ils arrêtent leurs méfaits... Car c'est peut-être le pire des crimes, déposséder un auteur de ses rêves devenus manifestations physiques, de son intimité émotionnelle, de ses opinions, de ses personnages, de tout ce qu'il veut partager avec un public, le plus large possible, bref le déposséder de son monde intérieur !
Hum ! Non, bon restons dans le domaine de la simple considération des motifs... et rappelons-nous la leçon de l'ami Anaël, qui me disait encore récemment : "Jacques, tu n'es pas ton texte !"

Qu'est-ce qui peut bien pousser un "artiste" (en gras, les guillemets !) à spolier l'oeuvre d'un créateur. Pour qu'il y ait plagiat, il faut au moins que le plagiaire apprécie l'œuvre qu'il détourne, non ? Qu'il se dise : "Waaaoh ! Ce texte/cette chanson, c'est trop fort !"
Sans appréciation de l'œuvre, il n'y aurait sûrement pas volonté de le piller.
Mais à ce premier mouvement du cœur, doit s'en ajouter un autre, qui étouffe tout simplement l'admiration naissante, sincère : la jalousie. Peut-être aussi le sentiment de sa propre nullité.
"Comment ! Machin est arrivé à pondre un texte comme ça, à le vendre à tant, à telle revue !"
S'ensuit sûrement le classique : "Pourquoi lui et pourquoi pas moi ?"
Le ghetto de l'imaginaire en France, et j'imagine que ce doit être comme ça ailleurs, est peuplé d'âmes en peine qui barbotent dans un mélange d'auto-satisfaction et lamentations sur le mode Caliméro.
C'est toujours désagréable de se prendre un refus de nouvelle, plus encore de roman, de la part de rédacteurs en chef ou d'éditeurs, dont on se demande souvent en quoi ils sont plus compétents que nous pour juger de la qualité d'une œuvre.
J'imagine qu'à la longue, des aigris ou des rageux conçoivent de tels stratagèmes : On pique le texte d'un autre, on le retravaille un peu (ou même pas) et on le publie à son nom. Après tout, cet autre, là, est un salaud qui ne mérite pas son talent. C'est moi qui aurais dû écrire cette nouvelle !!
Est-ce que le raisonnement va aussi loin ?
Et le déni de réalité ?
Quel est le degré de conscience ou d'inconscience ? Se dire qu'on ne se fera jamais attraper... C'est un peu court, un peu naïf même. Mais ça doit effectivement marcher, dans certains cas. Par exemple, qui saurait en France de nos jours que tel texte plagié serait en fait l'œuvre d'un moldave de la fin du XIXème ? Pourtant, le risque existe toujours... Et le coût risque d'être très élevé, dans un milieu comme le nôtre où comme précisé plus haut, tout le monde se connaît (et se fait des poutous ou se bouffe le nez, mais ça c'est un autre débat).
Je suppose que sa réputation, au plagiaire qui m'a inspiré ce billet, va être carbonisée en quelques semaines... Le mouvement naturel dans le ghetto de l'imaginaire, c'est bien souvent la curée, dès que l'occasion se présente de déchiqueter un "camarade" tombé à terre. Mais ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, dans son cas précis, je ne verserais pas une larme sur son sort !
Quel est dans tous les cas le rapport du plagiaire à son plagiat, avant que le méfait ne soit éventé :
Comment peut-on en parler, si on vous demande comment l'idée vous est venue, si on essaie de vous en faire décortiquer le style et le contenu ?
Lui souhaite-t-on le plus grand public possible, ou au contraire, une diffusion restreinte, parce qu'on a honte après coup, ou un peu peur peut-être de se faire attraper ?

Enfin, comment se regarde-t-on dans la glace, après ça ?

Edit du lundi 20 avril : L'auteur français se défend en indiquant qu'il a publié cette nouvelle et d'autres sur des forums anglosaxons et qu'il aurait ainsi pu se les faire piquer. Alors, qui a copié sur l'autre ? Le plagiat existe toujours, dans un sens ou dans l'autre ! Affaire à suivre...
COUCOUCHE-PAPIER !

Un projet mort-né, du moins dans sa forme première, me fait tchatter à ce sujet avec l'un des auteurs normalement prévu : Santiago Eximeno. Il n'a vraiment pas le temps... Sans amertume aucune, ça m'a amené à écrire une flash fiction que je partage avec vous et qui vous expliquera de quoi il retourne, dans les deux langues !

¡Pañapel!

Santiago echaba de menos al mítico síndrome de la página blanca. Estaba cambiando a su niña y a él le perseguía el síndrome del pañal lleno.


Coucouche-papier !

Santiago regrettait le mythique syndrome de la page blanche. Il changeait sa fille, et lui, c’était le syndrome de la couche pleine qui le poursuivait.

Tuesday, March 03, 2009

El Libro de las Voces de Carlos Gardini (in Premio UPC 2001 – ediciones B (2002) – environ 170000 signes


Roman de space opera à fortes tonalités mystiques.
Gardini traite dans ce roman court finaliste du prestigieux prix UPC 2001 de la révélation d’un marin, Andreï Lamar, qui en parvenant à comprendre les voix qui lui parlent, deviendra Arcángel. Ce pêcheur de primadonnas, d’étranges créatures évoquant les sirènes, voit en effet son destin bouleversé par sa capacité à entendre les « voix de la nuit », le Hálito (souffle) divin aussi appelé la língula sacra. Le plus souvent, dans son monde, Delfos, les gens entendant de telles voix finissent par devenir des fous méprisés, craints ou vénérés selon la culture. Surveillé depuis longtemps par une troupe nomade de cirque, la Cálifa, et plus particulièrement Tania Tok, appelée à devenir sa veuve, Lamar échappe à une tentative de meurtre de l’ordre religieux majoritaire, les Edenistas. Ces derniers professent une forme de résignation spirituelle, terre à terre, en prônant que le Paradis ne doit pas être cherché dans les étoiles, il est là, sur Delfos, à portée de main.
Tania Tok emmène Andreï dans le désert, où il rencontre le reste de la Cálifa avant de devoir subir l’épreuve qui décidera de son statut de dómine (homme capable d’entendre les voix) et surtout de futur prophète.
Abandonné dans le désert, Andreï se retrouve entouré par les terribles raspodas, un peuple de nomades du désert spécialisés dans le trafic d’esclaves. Il pense devenir leur captif, mais quand il se met à leur crier dessus en língula sacra et qu’il s’écroule, ils ne sont plus là à son réveil. Il se retrouve littéralement transporté, sa conscience file dans l’espace… Et à partir de ce moment, le roman s’ouvre vraiment sur sa dimension space opera/science-fiction, sans jamais perdre sa portée mystique. En esprit, il rencontre le DIAL – Dispositif d’Intelligence Artificielle Limitée – qui est à l’origine de ces voix…. Et à l’origine de la vie sur cette planète. Coupé un temps de la population de Delfos, il cherche à reprendre contact avec elle et à intervenir à nouveau dans son développement, à travers un Arcángel. Lamar supportera l’afflux d’informations transmis par le DIAL et sera à même de remplir sa mission et bien plus encore. Il découvrira l’origine de ce DIAL et donnera un nouveau destin à sa planète. En ce sens, la fin est époustouflante avec une gradation vertigineuse des révélations concernant l’univers développé dans ces pages.
On retrouve dans ce roman des thèmes chers à Gardini tels que la combinaison (qu’elle se traduise par l’affrontement ou la complémentarité) entre science et religion, la construction de sociétés étranges aux modes de fonctionnement absurdes voire cruels. Dans El Libro de la Voces, jusqu’à l’étourdissement, il utilise des grands thèmes propres au mysticisme religieux, tels que le fait d’entendre des voix, le parler en langues, le ravissement aux cieux et également propres à la cosmogonie (Création du monde, des espèces vivantes)… en ajoutant une dimension technologique, mais sans jamais non plus vider ce mysticisme de son sens. C’est là la grande force de l’œuvre, ce qui nous amène, nous, lecteur, à nous poser de nombreuses questions sur les mécaniques d’une révélation, d’une religion quelles qu’elles soient. Tout cela, tout en parvenant à développer une intrigue solide, riche en rebondissements, avec des personnages souvent fascinants et un monde dans lequel on rentre sans difficulté avec un réel plaisir, d’autant que les révélations de plus en plus importantes nous permettent d’en découvrir l’envers du décor. Comme toujours, grâce à sa grande maîtrise de l’écriture, Gardini parvient à faire passer énormément d’émotions, d’idées et ouvre des abîmes de réflexions pour le lecteur sans jamais que la force de sa narration, de ses descriptions, des actions et de l’intrigue n’en pâtissent.

Tuesday, January 13, 2009

Même sans comprendre

Je prends la mesure de l’incompréhension
Elle palpite, sauvage, désarticulée,
En apparence proche, en fait reculée
Rythme ancré dans mon crâne, vibrante pulsion

Imparfait, l’Homme en pensée tout comme en action,
Vacille pour au final s’effondrer, acculé
Par le destin, sa poignée de rêves brûlés
Rejoint les braises de ses erreurs et questions

Même sans comprendre, j’éprouve et je savoure,
Je donne une couleur à tout ce qui m’entoure,
Nourris la vie à l’intérieur de notre vie

L’écho de nos âmes et l’appel de l’amour
Jouent à se répondre, recouvrant les tambours
De l’incompréhension pour servir nos envies



Un sonnet pour ma chérie tant... chérie ! en écho à son blog...

Saturday, January 10, 2009

Un savoir inutile

de sergio Gaut Vel Hartman


On passe sa vie à essayer d’imaginer comme ce sera d’être mort. Et une fois qu’on le sait, ça ne sert à rien. Je m’explique, l’univers entier devient une chambre Gesell et tu as beau écraser ton visage contre la vitre : personne ne te voit.



Pour la petite histoire, cette nouvelle fait partie d'un ensemble de six micros nouvelles parues sur le site Letras de Chile
ON trouvera une autre nouvelle de cette sélection sur le site Antre-Lire et d'autres devraient également suivre toujours sur l'Antre-lire et toujours traduite par mes soins.

Friday, January 09, 2009


Je voulais vous parler aujourd'hui d'un texte qui m'a réellement séduit, dès le moment où j'ai lu des critiques à son sujet, avant même de l'avoir entre les mains ! Les chroniques lues sur le net étaient dithyrambiques... Après pas mal d'aller-retour entre auteurs et éditeurs espagnols de l'imaginaire, j'arrivai à avoir le mail de l'auteur. Super, il m'envoyait le roman par la Poste ! Mais pas le temps d'attendre, je lui demandai la version PDF, que je dévorai avant que le courrier n'arrive, lecture à l'écran, des heures durant, des yeux éclatés comme ceux des lapins albinos des labos... !

Voilà ci-dessous un avis plus construit, qu'une simple suite d'exclamations hyperboliques !

Peregrinos de Marte de José Antonio Suárez (257 pages, ediciones Espiral)

Ce roman de science-fiction présente la vie de deux scientifiques en 2098 occupant une base sur Mars. Il se compose de deux narrations à focalisation interne centrée sur chacun des personnages avec alternance systématique des deux points de vue : on passe de Nerea à León, puis retour sur Nerea, puis à nouveau León… De façon chronologique selon un schéma du type 1a, 1b, 2a, 2b…
Les conditions de travail difficiles des scientifiques et l’ambiance déjà tendue entre eux se voient encore détériorées par l’arrivée d’un groupe de touristes dans leur base. Effectivement, du fait du coût très élevé de la maintenance de bases sur Mars, les fonds sont en partie privés, provenant du tourisme de quelques rares privilégiés suffisamment riches pour se payer le voyage.
De fait, le développement du programme spatial stagnant pendant des décennies n’a été repris que contraint et forcé par l’humanité. Une vingtaine d’années avant l’action du roman, une énorme météorite s’est écrasée sur la Terre, rayant la ville de Munich de la carte. Les politiques se sont trouvés dans l’obligation de reprendre les programmes de boucliers anti-missiles pour parer à une nouvelle catastrophe de ce type. Une sorte de supragouvernement - l’Union pour l’Exploration Extraplanétaire - s’est alors mis en place sous l’impulsion des États-Unis et de l’Europe. Le bouclier de missiles a pu être déployé, des bases implantées sur la Lune, sur Mars, un vaisseau automatisé envoyé vers Proxima du Centaure… mais les contribuables voient au final cela d’un mauvais œil, au vu des dépenses que cela suppose. La catastrophe de l’Hermès, un vaisseau de touristes en partance pour Mars qui avait explosé en 2097, a diminué encore le capital confiance des gens.
Dans ce contexte, quatre touristes débarquent sur Candor Chasma, la base de Nerea et de León : Luis Tello, héritier d’un empire informatique à la pointe de la technologie robotique, Martin Wink, ancien sénateur de l’UEE au passé trouble, Enzo Fattori, ponte réactionnaire de la banque vaticane et enfin la gagnante de la loterie offrant une chance à monsieur tout le monde de partir sur Mars, Sonia Alba, proche d’écologistes radicaux.
Tous, les deux protagonistes y compris, ont des vies et des comportements plus ou moins chargés de zones d’ombre. Des événements inattendus surviennent assez rapidement et une ambiance de paranoïa commence à s’installer.
Difficile d'en dire tellement plus ensuite, sans déflorer l'intrigue. Je me contenterai de dire qu'une série d'incidents se déroulent au cours des jours suivants avec une escalade dans leur gravité et le suspense qui en découle...
L’intérêt du livre repose sur une maîtrise totale des techniques narratives : les personnages sont crédibles, palpables et parfois complexes, humains en somme, le scénario est très bien ficelé, avec un bon dosage entre suspense et révélation. On apprend plus sur ce futur au fur et à mesure de notre lecture, en même temps que les protagonistes. Ainsi, on n’est pas dans un univers figé, mais au contraire en « mouvance ». Rien n’est sûr et ce que l’on croyait être avéré ne l’est pas forcément. Cela se retrouve dans l’ambiance de paranoïa distillée par l’auteur.
En cela, le choix d’une narration bipolaire, avec le point de vue successif de chaque scientifique ne nuit pas au suspens, car même ainsi, tout n’est pas dit sur les activités des deux personnages principaux et cela contribue alors à brouiller plus encore les cartes.
Le style est efficace, le roman est écrit « sans fioriture » mais captive et retient le lecteur.
Les thèmes abordés sont plutôt subtilement et intelligemment traités et donnent matière à réflexion : un ordinateur, un robot peuvent-ils être plus humains que nous ? Et où s’arrête l’humanité pour des personnages comme Félix et Muriel, modifiés génétiquement pour pouvoir vivre sur Mars ?
Le futur planté est bien pensé et vraisemblable, les explications fournies pour planter le décor s’imbriquent avec logique et donne un tableau bien détaillé.
En récompense de sa qualité, le roman a récolté des critiques très positives, voire dithyrambiques, sur Internet et la première édition est épuisée. Peregrinos de Marte est arrivé finaliste du Prix Ignotus, l’un des prix des genres de l’imaginaire les plus courus en Espagne avec le Prix Minotauro et le Prix Domingo Santos. L’auteur m’a d’ailleurs indiqué qu’une autre édition était en préparation, mais il semble que cela soit en stand-by pour le moment...

Voilà pour finir quelques extraits des critiques qu’il a pu recueillir sur le net :

« Creo que Suárez es un excelente ejemplo de cómo esta avanzando en este momento la Ciencia Ficción en español. Estoy seguro que este libro será nombrado y recomendado durante muchos, pero muchos años. No pierdan la oportunidad de ser los primeros en leerlo. »
(Je crois que Suárez est un excellent exemple de la façon dont la science-fiction en langue espagnole est en train d’évoluer. Je suis sûr que ce livre sera nommé et recommandé durant de nombreuses, vraiment de nombreuses années. Ne perdez pas l’opportunité d’être les premiers à le lire.) Omar G.L. Munárriz para Axxón y Garrafex News. l'article ici

« Peregrinos de Marte es una joya que ningún buen aficionado al género puede permitirse el lujo de dejar escapar.
Están avisados. »
« Peregrinos de Marte est un joyau qu’aucun bon amateur du genre ne peut se permettre le luxe de laisser s’échapper.
Vous êtes prévenus. » © 2003 Joan Antoni Fernández (BEM On Line)
La critique complète ici

« Suárez demuestra un dominio completo en el desarrollo de la historia que nos quiere contar: a través de suaves bosquejos, va mostrándonos la trama poco a poco, sin ralentizar la novela ni acelerarla, todo en su grado justo, con ese sentido del entretenimiento ya tan característico de él. »
Suárez fait preuve d’une maîtrise complète dans le déroulement de l’histoire qu’il veut nous raconter : à travers de douces esquisses, il dépeint la trame peu à peu, sans ralentir le rythme du roman ni l’accélérer. Tout est à son juste niveau, avec ce sens de l’humour si caractéristique chez lui. » © Carlos F. Castrosín, 15 de diciembre de 2003 pour cienciaficcion.com : ici

Saturday, December 27, 2008

Figure de style


Le profiler tâcha de ne pas laisser paraître son profond dégoût. Il avait beau être docteur en criminologie et en psychologie, même ainsi, il ne parvenait pas à comprendre la monstruosité de certains actes. Il écarta d'un geste les photos du visage de la jeune victime où le rouge prédominait. Gorgeait presque tous les pixels.
"Comment avez-vous pu faire une telle chose ? Pourquoi avoir massacré sa face comme ça ?"
Le profiler sentit comment ses lèvres tremblaient alors même qu'il pensait garder le contrôle. Sous le coup de l'émotion, il avait une voix aiguë, de fausset.
Le psychopathe que la presse avait surnommé le Cruciverbiste partit d'un petit rire, comme s'il goûtait une bonne plaisanterie.
"J'ai testé une figure (il insista sur ce mot en détachant les syllabes, tel un professeur faisant la leçon à un cancre), une figure de style sur elle. Je ne lui avais rien demandé moi, mais quand je l'ai croisée, elle m'a dévisagé.... alors je l'ai défigurée."